05 décembre 2023
Dans la continuité des manifestations du 21 novembre 2023 et de l’appel à une mobilisation nationale des JA et de la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs de Moselle ont retourné des panneaux dans diverses communes mosellanes, y compris dans le pays de Bitche, comme vous avez certainement pu le constater. Vous vous êtes certainement demandé qui et pourquoi. Hé bien, cette initiative a pour but d’attirer l’attention sur les revendications des agriculteurs français. En voici quelques unes :
"Jachères imposées
Suite à la guerre en Ukraine qui a engendré de fortes tensions sur la production agricole et l’approvisionnement alimentaire dans le monde, l’UE a permis de déroger à la règle dite des "4 % de jachères" et de mettre en culture ces surfaces. En 2023, l’Europe refuse de prolonger cette dérogation. Le contexte géopolitique n’a pas changé et les tensions économiques autour de l’alimentation en France, en Europe et dans le monde se poursuivent. C’est un nouveau coup porté à la souveraineté alimentaire, à la compétitivité de l’agriculture française et européenne, alors même que l’Europe entendait reprendre une place d’acteur de premier plan dans la production alimentaire mondiale !
Accords commerciaux internationaux
L’UE est engagée dans plusieurs dizaines de négociations bilatérales sur tous les continents qui sont complètement opaques et pilotées par la Commission européenne. Ces négociations s’empilent sans aucune cohérence avec l’ensemble des politiques européennes. L’agriculture y est utilisée comme une monnaie d’échange contre d’autres produits industriels (automobile, aviation, etc.), il s’agit d’une grande source d’instabilité peu sécurisante pour les agriculteurs.
On constate un afflux de produits alimentaires importés peu contrôlés qui proviennent de pays moins-disant sanitairement, environnementalement et socialement que l’UE. Il est nécessaire d’avoir une réciprocité et une complémentarité dans les échanges. Les filières françaises, en particulier la viande, sont donc particulièrement mises en difficulté par cette concurrence déloyale faisant entrer plusieurs centaines de milliers de tonnes de marchandises ne respectant pas nos standards.
PLOAA (Pacte et Loi d’Orientation d’Avenir Agricoles)
Annoncé par le président de la république en septembre 2022, le PLOAA est censé apporter une vision et une orientation claire pour pérenniser notre agriculture. Un an plus tard, toujours pas de PLOAA à l’horizon. Dans 5 ans la moitié des agriculteurs partent à la retraite, il est nécessaire de trouver des solutions rapidement afin de répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire. Les Jeunes Agriculteurs dénonçent une absence de vision et de courage politique.
Etiquetage et origine
Depuis 2011 la réglementation européenne impose aux entreprises une obligation de transparence sur l’origine des produits vendus bruts à leurs clients (fruits et légumes frais...). Concernant la restauration hors foyer, depuis 2002, il est obligatoire d’informer les clients sur l’origine de la viande bovine. Depuis mars 2022, cette obligation a été étendue, à titre expérimental jusqu’au 29 février 2024, aux viandes porcines, ovines et de volailles.
Parallèlement, en 2021, une disposition de la loi EGAlim 2 prévoyait d’interdire tout symbole représentant la France (drapeau, carte de France...) sur les produits dont les ingrédients principaux ne sont pas français. Mais le décret n’a jamais vu le jour, cette disposition étant en conflit avec la réglementation européenne INCO.
Pour certains produits, la réglementation européenne estime que tant qu’il n’existe pas un lien avéré entre la qualité d’une denrée alimentaire et son origine, il n’est pas obligatoire d’informer le consommateur de sa provenance. La loi EGAlim 2 souhaitant interdire les symboles nationaux sur les produits dont les ingrédients ne le sont pas majoritairement, rentre en conflit avec la réglementation européenne. Entre 2016 et 2021, à titre expérimental, un décret avait rendu obligatoire l'indication de l'origine géographique du lait. Cette obligation a finalement été annulée, car contraire au règlement européen. Pour le moment, cette disposition d’EGAlim 2, n’est donc pas applicable !
Accès à la ressource en eau limité
Dans un contexte de changement climatique, la question de la préservation et de la gestion de la ressource en eau est centrale. En inscrivant dans le Projet de Loi de finances 2024 des mesures d’augmentation de près de 40 % de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, le gouvernement fait peser une nouvelle menace sur les exploitations agricoles déjà fragilisées et dont les charges ont augmenté de +18 % en 2 ans.
Contraindre l’accès à l’eau c’est hypothéquer la capacité des agriculteurs à garantir la souveraineté alimentaire ! C’est faire courir des risques de faillite aux exploitations qui ne seraient pas en mesure d’en supporter les coûts. C’est enfin appliquer une fiscalité écologique punitive en contradiction avec nos objectifs de transformation agro-écologique. Or, en 20 ans, grâce à l’innovation et à des investissements, l’agriculture utilise 30 % d’eau en moins pour produire la même quantité ! Des augmentations aussi fortes de redevances ne sont tenables par aucun acteur économique, et limiteront la possibilité pour les agriculteurs de poursuivre leurs investissements dans des pratiques et dispositifs plus économes en eau.
IED : L’ajout de règles inadaptées revient à signer la fin de l’élevage français !
En 2022, la Commission européenne a entamé la révision de la directive sur les émissions industrielles (IED). Ce projet prévoyait d’inclure les élevages bovins, avicoles et porcins, au seuil d’entrée unique de 150 unités gros bétail (UGB). En juillet 2023, le Parlement européen a pris position en faveur d’une directive IED plus « allégée ». Les députés ont ainsi voté le maintien du champ d’application des activités d’élevage porcin et avicole (2 000 porcs et 40 000 places) et rejeté l’inclusion des exploitations bovines, s’inscrivant ainsi en rupture avec les positions de la Commission et du Conseil. Les Jeunes Agriculteurs de Moselle sont actuellement dans une phase de discussion entre la Commission, le Conseil et le parlement pour trouver un accord, potentiellement le 28 novembre.
Ils appellent au maintien des seuils actuels d’entrée. Le statu quo réglementaire ne signifie pas l'immobilisme : les éleveurs poursuivront les efforts d'adaptation au changement climatique. Ils s'opposent également aux règles de cumul (proximité et espèces) ainsi qu'à l'introduction d'un seuil en UGB. Enfin, les JA demandent la suppression du terme « élevage de masse », introduit par le Parlement européen.
Augmentation de la redevance pour pollution diffuse : une charge insoutenable pour les exploitations agricoles
Les tensions sur le prix de l’énergie et des intrants ont fait exploser les charges des exploitations agricoles : + 18 % en deux ans selon l’INSEE. Cette situation influence directement les trésoreries, au moment où on demande aux agriculteurs une transition écologique à marche forcée ! Le gouvernement s’était engagé à ne pas augmenter les taxes, or le Projet de Loi de Finances 2024 prévoit une augmentation supérieure à 20 % de la redevance pour pollution diffuse. Cette fiscalité écologique punitive n’est en aucun cas alignée avec les besoins d’accompagnement à la transition des exploitations agricoles. Cette hausse pour les agriculteurs est un véritable frein aux investissements dans le cadre de la préservation de la ressource en eau, notamment dans les aires d’alimentation de captages. Elle est également
un frein à la mise en place d’actions de préservation de la biodiversité ou à la captation du carbone, démarches attendues dans le cadre de la planification écologique. Les Jeunes Agriculteurs du 57 exigent la suspension de la hausse de la RPD. Un moratoire sur toute augmentation des redevances agricoles en raison des efforts importants attendus par les agriculteurs en termes de transition ainsi qu‘une meilleure
transparence sur la destination des redevances des agences de l’eau dans le domaine agricole.
Enfin, la mise en place d’une fiscalité écologique incitative qui accompagne réellement les transitions agricoles.
Double discours du Gouvernement sur l’Usage durable des produits phytosanitaires
En juin 2022, la Commission européenne a proposé un projet de Règlement relatif à l’utilisation durable des produits phytosanitaires (Règlement SUR) dans le cadre du Green deal (Pacte Vert). Il prévoit notamment :
- De réduire l’utilisation des phytos de 50 % d’ici 2030.
- D’interdire des produits de protection des plantes dans de nombreuses zones dites sensibles (aires d’alimentation de captage, sites Natura 2000, Parcs naturels nationaux et régionaux...).
- Un conseil stratégique au minimum une fois par an par un conseiller indépendant.
Les Députés de la majorité française à la Commission de l’Environnement du Parlement européen se sont positionnés sur une position dure, déconnectée des réalités de l’agriculture !
Les alternatives disponibles ne sont pas suffisantes pour répondre aux objectifs très contraignants qui mettront à mal les exploitations et par là l'objectif de souveraineté alimentaire. Alors que l’agriculture française est l’une des plus vertueuse et durable au monde, la France et l’UE s’entêtent à leur retirer des solutions efficaces dont ils ont besoin pour poursuivre leur transformation agroécologique ! C’est incompréhensible pour les Jeunes Agriculteurs mosellans !
Ces derniers exigent des trajectoires de progrès soutenables par les agriculteurs et des alternatives crédibles, diffusables et compétitives. Une application systématique de clauses miroir dans les accords commerciaux internationaux. Le déblocage de fonds supplémentaires hors PAC pour financer ses restrictions ou modifications de pratiques.
Zones sensibles : pas de territoires exclus d’une production économique
Dans le cadre du projet de règlement SUR de la Commission européenne, inscrit dans le Pacte vert européen, il est prévu d'interdire les produits phytosanitaires chimiques dans de nombreuses zones dites sensibles (zones vulnérables, aires d’alimentation de captage, zones Natura 2000, Parcs nationaux et régionaux...) et de systématiser autour des bandes tampons de 3 mètres minimum. Auprès du Parlement et du Conseil européen, les discussions se poursuivent pour obtenir des évolutions, sans garanties suffisantes encore.
Parallèlement, au niveau français, dans le cadre du plan eau, de la stratégie nationale pour la biodiversité et d’Ecophyto 2030, un renforcement de la protection des captages d’eau potable, des territoires à enjeux pour la biodiversité (Natura 2000, zones de protection forte, zones à pollinisateurs...) est visé. Est même envisagée une classification en captages sensibles dès 80 % de la norme pour l’eau potable sur les critères nitrates et phytos notamment. Enfin, des zones de non-traitement “riverains” ont été mises en place, sans prendre en compte suffisamment les techniques et infrastructures performantes de
réduction de la dérive.
Aujourd’hui, la démultiplication des zonages et des réglementations qui pèsent sur ces zones porte une atteinte grandissante à la souveraineté alimentaire et à la pérennité des exploitations. Pour le maintien de nos moyens de production et le renouvellement des générations, l’interdiction des phytos dans toutes les zones définies comme sensibles n’est pas envisageable, de même que la systématisation de bandes tampons sans tenir compte des techniques et infrastructures de réduction de la dérive.
Aujourd’hui, la démultiplication des zonages et des réglementations qui pèsent sur ces zones porte une atteinte grandissante à la souveraineté alimentaire et à la pérennité des exploitations. Pour le maintien des moyens de production des agriculteurs français et le renouvellement des générations, l’interdiction des phytos dans toutes les zones définies comme sensibles n’est pas envisageable, de même que la systématisation de bandes tampons sans tenir compte des techniques et infrastructures de réduction de la dérive.
Les Jeunes Agriculteurs exigent une agriculture rentable dans tous les territoires, y compris les territoires zonés. Mais également la redéfinition des zones sensibles en ne visant que les territoires les plus vulnérables. La priorité aux approches contractuelles par rapport aux approches réglementaires. Enfin, la suppression de l’interdiction de l’usage de produits phytosanitaires chimiques dans toutes les zones dites sensibles."
Toutes ces revendications seront-elles entendues ? Une chose est sûre, le retournement des panneaux a eu l'effet escompté puisque que cela a attiré l'attention de tout un chacun ! Vous savez ddésormais tous le pourquoi de ce pied de nez ! Alors combien de temps va-t-on encore marcher sur la tête au pays de Bitche ?
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